Etre caviste indépendant.e…

le pourquoi du comment, ce qui nous motive, ou encore comment on en arrive là…

Je pensais revenir avec un gros plan sur une découverte, un savoir-faire, une note de dégustation ou le portrait d’un vigneron, finalement, j’ai décidé de vous parler de mon métier. Parce qu’aujourd’hui, plus que jamais, il est important de nous parler, de vous confier nos motivations et de vous raconter un peu notre quotidien.

Comment j’en suis arrivée là…

Avant d’être caviste, j’ai eu une vie (certains diront plusieurs !). Du Mali au Royaume-Uni, en passant par la Rochelle et la Côte d’Azur, j’en ai croisé des visages et des chemins ! De chef de projet sur une mission humanitaire au lancement d’un bar à vins à Londres, en passant par la direction de restaurants, l’évènementiel de luxe et le brassage de la bière (entre autres), j’ai un peu baroudé, expérimenté, profité…

J’ai grandi en province. Petite, j’avais fait les vendanges, collé les étiquettes sur les bouteilles et même fabriqué des vermouths et autres liqueurs artisanales, mais ce n’est que le jour où j’ai dégusté des « grands » vins que j’ai eu un déclic. Tout d’un coup, ce breuvage que je n’appréciais guère prenait tout son sens. A l’époque cocktail bartender dans un hôtel de luxe, je reprenais donc un cursus d’études en vins et spiritueux. Quelques années plus tard, de retour en France, le choc des mentalités et des cultures rendirent plus qu’évidente la nécessité pour moi de quitter le management pour me lancer dans l’entrepreneuriat, et vous savez quoi ? je ne regrette pas !

Entrepreneure

Je n’imaginais pas que devenir entrepreneure serait la meilleure expérience de ma vie, la plus enrichissante. Sans vous mentir, ce fut compliqué par moment, aussi bien mentalement que financièrement, mais il fallait tenir bon.

L’entrepreneuriat, c’est l’école de la vie. Pas de cadre, pas de règles (en dehors des lois et des charges bien sûr), pas de filet. On apprend à demander de l’aide, on apprend à donner (genre vraiment donner, pas donner quelque chose qui ne nous coûte rien), on apprend à anticiper les problèmes, on apprend (réellement) que rien ne sert de s’apitoyer sur son sort, il faut chercher des solutions et des alternatives, car si on ne se (re)lève pas, personne ne le fera pour nous. On apprend aussi plus que jamais sur la nature humaine et sur ceux qui nous entourent. On regarde la vie différemment, avec plus de sensibilité. Et puis, on apprend avant tout (du moins pour certains d’entre nous) à se remettre en question, constamment. Enfin, on apprend qui on est vraiment. Quelles sont nos valeurs. Quelles sont nos priorités.

Avec le temps, je suis même devenue minimaliste. Au début, je suis revenue à l’essentiel principalement au niveau de mes dépenses en raison de mes difficultés financières. Puis je me suis aperçue que c’était un mode de vie qui me correspondait et que je voulais vraiment. Prendre le temps pour ce qui est important, ne plus perdre de temps pour ce(ux) qui ne l’est (le sont) pas. Cela s’appliquant autant en terme d’espace, de temps, d’énergie, de valeurs. La vie est courte, ne la gaspillons pas.

Indépendante

Que l’on parle d’indépendance pour le statut juridique ou d’indépendance pour le métier de caviste, au fond, les deux se rejoignent et se recoupent. L’indépendance, c’est le choix de la liberté et la liberté de nos choix. Si, comme vous tous, nous sommes contraints dans une partie de nos actions (et de nos finances) par les règles, les lois, les charges, les taxes… être indépendant, c’est opter pour un chemin différent, très souvent parsemé d’embûches et d’épreuves que l’on ne connaîtrait jamais dans le salariat et de solitude dans la difficulté. Ce chemin, c’est le parcours de l’autonomie.

Etre caviste indépendant.e, c’est aussi la liberté de penser notre concept, de choisir les produits et les partenariats que l’on construit. Et si cela vous correspond, l’indépendance devient synonyme de sérénité.

Commerçant.e ou « petit commerçant »

L’éternelle bataille contre la grande distribution

Même si le nom commun et l’adjectif ne font ressortir que le caractère commercial et vente du métier,  être un petit commerçant ne se résume pas à vendre. Il y a une véritable volonté de contribuer à la vie de notre quartier et de notre ville. Nous essayons de répondre au mieux aux besoins et envies de nos clients, c’est sûr, mais nous sommes aussi parfois la seule personne à laquelle certains vont parler dans la journée, le seul sourire que certains vont recevoir – je vous l’accorde, avec les masques, il faut les deviner -, le voisin qui est toujours là pour prêter main forte au besoin. Nous nous rendons disponibles pour les gens, parce que pour nous, l’humain, c’est ça l’important. Nous faisons tout pour que malgré l’individualisme ambiant, nous continuions à vivre en communauté, et pas chacun chez soi, chacun pour soi.

Caviste

Ce qui nous pousse à être caviste, c’est cette passion, celle pour les produits bien sûr, mais aussi celle des rencontres et des échanges. Représenter les vignerons, les distillateurs, les brasseurs… c’est ce qui nous anime réellement. On ne le fait pas toujours parfaitement, parce qu’il faut du temps pour créer des liens avec les gens et parce que notre mémoire n’est pas infaillible mais, nos carnets (ou nos ordinateurs/tablettes/téléphones pour la nouvelle génération) dans la main, nous essayons de vous retranscrire au mieux ce moment passé, cette émotion partagée et cette histoire qui accompagne chaque produit.

En résumé, quel est notre rôle ? Vous faire partager nos découvertes et vous retransmettre la passion de ces hommes et ces femmes qui restent souvent en coulisses, leur histoire, leurs valeurs, leurs engagements. Nous les représentons, les accompagnons et les guidons… jusqu’à vous !

Notre quotidien

Un caviste fait souvent le travail de plusieurs personnes à la fois, comptable, vendeur, manutentionnaire, acheteur mais aussi femme de ménage, livreur… c’est pour ça que c’est génial ! Si côté cave, on partage notre temps entre les clients et les cartons,  la partie « cachée » de notre métier quant à elle est tout aussi passionnante (et prenante !). Et oui, quand nos boutiques sont fermées, nous passons des heures dans les salons ou chez les producteurs à rencontrer, échanger, déguster et rechercher des « pépites » ; d’autres à ranger la cave (lorsque la boutique est ouverte, on ne peut pas être au sous-sol…) ; à s’informer/se former : se tenir au courant de l’actualité, des nouvelles techniques, des nouveautés… Nos journées sont bien remplies. 🙂 Les semaines, que dis-je, les années filent !

Voilà. J’espère qu’à travers cet article vous comprendrez mieux notre métier et nos vies de cavistes indépendants. Je voulais retranscrire ce qu’il représente pour la plupart d’entre nous, car, contrairement à ce que j’ai pu lire récemment, nous ne sommes pas, à l’égal de la grande distribution, juste « des commerçants qui cherchons à nous enrichir sur le dos des producteurs », ce n’est pas comme cela que nous concevons notre métier. D’ailleurs, si vous avez un doute à ce propos, demandez à nos producteurs ce qu’ils pensent de nous !

Et si vous aussi vous envisagiez de devenir caviste, j’espère que cet article vous aura donné quelques pistes.

Bref, sept ans après les « qu’est-ce qu’elle peut bien y connaître » parce que j’étais une femme, trop jeune pour connaître quoique ce soit au vin, et asiatique qui plus est… notre boutique existe toujours, je suis toujours là, et – n’en déplaise à certain.e.s – pour un petit moment encore… 😉